Le Wing Chun de Ip Man : histoire récente, premiers élèves et principes

Le Wing Chun est un art martial originaire du sud de la Chine. Il existe différentes branches de ce Kung Fu (continentale, vietnamienne…) mais le Wing Chun tel qu’il est le plus largement pratiqué provient du Grand Maître Ip Man (葉問) .

Article original de Aymeric G

L’établissement du Wing Chun à Hong-Kong par Ip Man

C’est à la Restaurant Worker Union de Kowloon que Ip Man fut le premier à enseigner le Wing Chun en 1950. Initialement, Ip Man ne souhaitait pas créer d’école mais y fut contraint pour survivre dans le Hong-Kong d’après guerre. De sa première classe (de 8 élèves), il ne resta bientôt que Leung Sheung (梁相) et Lok Yiu (駱耀). Tous deux traversaient à l’époque de graves difficultés financières mais firent de leur mieux pour aider Ip Man. Ils furent rejoint par Chu Shong Tin (徐尚田) en 1951 et s’occupèrent alors ensemble de leur Sifu. Comme le rappel Chu Shong Tin à l’occasion de l’ouverture du Musée Ip Man à Foshan en 2002 : Même si le grand Maître Ip était d’une valeur inestimable et possédait des compétences martiales extraordinaires, cela seul n’aurait pas suffi sans le dévouement et la persévérance de M. Leung et de M. Lok. L’histoire de la vie du Grand Maître Ip aurait été réécrite. [1]

Le Wing Chun étant inconnu à Hong-Kong avant l’arrivée de Ip Man, les maîtres locaux lancèrent de nombreux défis à cette nouvelle école. Ils furent relevés avec succès par Lok Yiu et Leung Sheung. Ces victoires furent la base de la renommée de l’école de Ip Man. Elles permirent au style de se faire une place de premier plan ainsi que d’attirer de nombreux élèves. Un jour par exemple, voyant Lok Yiu remporter un combat avec une facilité déconcertante, un jeune homme demanda à Lok Yiu le nom de son Sifu afin d’apprendre le Wing Chun. Ce jeune homme était Wong Shun Leung. [2] Accepté comme élève par Ip Man, il deviendra un célèbre combattant et fut le professeur de Bruce Lee. Avec lui se conclut la première génération des élèves de Ip Man (Leung Sheung, Lok Yiu, Chu Shong Tin, Wang Kiu et Wong Shun Leung).

Les principaux élèves de Ip Man avaient tous reçu un surnom selon leur maîtrise de certains aspects du style. On retrouve ainsi : 

  • Chu Shong Tin, « Le roi de Siu Lim Tao » (1ère forme)
  • Lok Yiu, « Le roi de Chum Kiu » (2ème forme) et « Le roi du bâton long »  (Luk Dim Bun Gwan)
  • Leung Sheung, « Le roi de Biu Jee » (la 3ème forme à main nues).
  • Wong Shun Leung «Le roi des mains qui parlent» (Gong Sau Wong, en référence aux duels remportés)

Lorsque Ip Man ouvrit une nouvelle classe, les cours furent assurés par Lok Yiu et Leung Sheung, rejoints ensuite par Chu Shong Tin sur les encouragements de ses deux Sihing (frère aîné de Kung Fu). La seconde génération d’élèves apprit de ce trio, en présence de Ip Man [5] qui n’enseignait pas aux groupes. Il ne faut toutefois pas dire que Ip Man ne corrigeait jamais les élèves. Comme le rapporte Lok Yiu, Ip Man ne les corrigeait pas toujours tous, et pas forcément tout le temps. Cela dépendait de leur investissement et de la sympathie que leur portait Ip man.

Lok Yiu vécut avec son Sifu Ip Man pendant 7 ans, ils s’entrainaient en moyenne quatre heures par jour. Les entraînements avaient généralement lieu de 16h à 18h puis de 20h à 22h. Après avoir dîné et vaqué à leurs occupations, ils rentraient ensemble autour de 2h du matin pour parler de théories et d’applications du Wing Chun jusqu’au levé du jour.[3] Ip Man préférant vivre la nuit, son Todai Lok Yiu adopta lui aussi ce mode de vie. Ils restèrent très proches tout au long de la vie de Ip Man. Le Grand Maître avait par exemple pour habitude de venir chez Lok Yiu les soirs pour s’entraîner avec lui, s’adonner à sa passion (le Mah-Jong [4]) et observer les élèves de son Todai. 

Le Wing Chun de Ip Man 

Chez les premiers élèves de Ip Man, le Wing Chun est marqué par un important travail de structure et de formation du corps. Un soin tout particulier est apporté aux exercices en solo qui sont indispensables pour développer détente, précision et coordination. Chu Shong Tin passait par exemple plusieurs heures par jour à pratiquer les «trois prières à Bouddha » de Siu Lim Tao (Fok, Tan, Wu).

Le renforcement des jambes est aussi nécessaire. Il s’effectue d’abord à travers le travail correct de Siu Lim Tao, en position Yee Ji Kim Yeung Ma et en mabu (position du cavalier). 

Ce travail solitaire trouve sa source dans les formes du Wing Chun. Chacune va permettre de développer certaines qualités qui, à terme, forment un tout cohérent. Siu Lim Tao (la première forme) est la fondation sur laquelle est bâtie tout le style. Sa pratique assidue est cruciale pour progresser dans le Wing Chun. Pour un débutant, il n’est pas envisageable de progresser vers Chum Kiu sans un Siu Lim Tao satisfaisant. Ces deux formes sont les bases du Wing Chun, le pratiquant y reviendra continuellement, quel que soit son niveau de pratique. L’apprentissage de Biu Jee, du mannequin de bois et du reste du style ne mènera à rien sans les fondations solides qu’offrent les deux premiers taos.

Dans la pratique, l’accent est vite mis sur le travail dans la détente. C’est un point incontournable afin de prendre conscience de son équilibre et réussir à développer sensibilité, vitesse et puissance. Ce Kung Fu se pratiquant à une courte distance de l’adversaire, on ne cherchera ni à boxer ni à placer les techniques d’un répertoire. On voudra plutôt sentir les déséquilibres et faiblesses de la structure adverse afin de les exploiter sans se compromettre, maximisant l’efficacité des actions. En l’absence de faiblesses chez l’adversaire, on aura recours à quelques techniques (pak sao, lap sao) pour créer des ouvertures. Elles ne sont toutefois pas, d’office, la manière la plus directe de procéder. 

Les réactions dépendent des sensations que perçoit le pratiquant, il n’y a pas de technique prédéterminées. Une fois le contact établi, le pratiquant s’adapte à la force reçue. Il peut ensuite contre-attaquer. C’est l’application de deux des principes fondamentaux du style : Loi Lau Hoi Sung, Lat Sau Jik Chung. Chacun, selon son niveau, s’adapte donc de la façon qui lui semble la meilleure sur le moment.

Le travail solitaire, bien que central n’est toutefois pas suffisant. Le Wing Chun compte ainsi quatre exercices principaux avec partenaire qui pourront être déclinés selon différents thèmes. Ces exercices sont : 

  1. Dan Chi Sao / Chi Dan Sao
  2. Lap Sao
  3. Chi Sao
  4. Go sao (travail libre)

L’exercice le plus célèbre du Wing Chun est très certainement le Chi Sao, traduit en français par « mains collantes » (le terme de base est toujours au singulier, il désigne un exercice bien défini). Cet exercice vise, à un premier stade, à former le corps. L’exercice développe aussi la sensibilité pour s’adapter à la force du partenaire, cela étant fait en maintenant actives dans le corps les idées travaillées dans les formes (notamment Siu Lim Tao). Par le biais du Chi Sao, on cherche à développer des qualités (détente sous la pression, stabilité, suivi), et non pas un catalogue de techniques. Si on se fit aux principes précédemment énoncés (Loi Lau Hoi Sung, Lat Sau Jik Chung) il est nécessaire d’avoir un Chi Sao de haut niveau pour utiliser le Wing Chun.

Le Chi Sao n’est toutefois pas un exercice de confrontation, contrairement au Go Sao.  Il n’est pas rare de voir une confusion entre Chi Sao et Go Sao. Peut être cela s’explique-t-il par le fait qu’on peut commencer le Go Sao depuis l’exercice de Chi Sao pour faciliter le début des échanges libres. Il y a aussi parfois une simple confusion théorique quant à la nature des exercices.

Sources : 

[1]My Impressions of Yip Man Tong in Foshan, 2002, Chu Shing Tin 

http://www.vingtsun.org.hk/imp_foshan.htm

[2] Inside Kung Fu Magazine, 1983

https://mindfulwingchun.online/wong-shun-leung-the-early-years-wing-chun-kung-fu-master/

[3] Budo International, 1992, Lok Yiu 

[4] My Sifus, Allan Lee Che Kong 

https://wingchunjourney.co.uk/2021/04/30/my-sifus-allan-lee/

[5] Interview de Lok Yiu, Insider 4 de ELYWCIMAA, Janvier 1998 

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